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Le remède

I

On était en automne, aux petites heures du jour. La lune avait disparu, le soleil n'était pas encore levé, seul existait le ciel, d'un bleu sombre. Tout dormait, hormis ce qui rôde la nuit. Le vieux Hua Shuan s'assit soudain dans son lit. Il frotta une allumette, alluma la lampe graisseuse et une lumière blafarde gagna les deux pièces de la maison de thé.

– Y vas-tu maintenant, père de Petit Shuan ? s'enquit une voix de vieille femme.

Une quinte de toux parvint de la petite chambre du fond.

Vieux Shuan écoutait. « Hum ! » fit-il, tout en fermant ses vêtements, puis il tendit la main et dit : « Donne ! »

Sa femme, la mère Hua, fouilla un moment sous l'oreiller, en sortit un paquet de pièces d'argent qu'elle remit à son mari. D'une main tremblante, il le glissa dans sa poche, qu'il tapota par deux fois, puis alluma une lanterne de papier, souffla la lampe et se dirigea vers la chambre du fond. Il y eut un bruissement, suivi d'une nouvelle quinte de toux. Le silence revenu, Vieux Shuan dit doucement :

– Petit Shuan ! Ne te lève pas, ta mère s'occupera des clients.

Il n'obtint pas de réponse et en déduisit que son fils s'était profondément rendormi. Il sortit.

Il faisait noir, la rue était déserte ; on ne distinguait que la grisaille de la chaussée. Le lampion éclairait les pieds et leur pas régulier. Vieux Shuan croisa des chiens çà et là, mais pas un n'aboya. Le froid était bien plus vif qu'à l'intérieur, cependant le vieux se sentait tout ragaillardi, comme s'il eût soudain rajeuni et possédé quelque miraculeux pouvoir dispensateur de vie. Il avait allongé le pas. La route se dessinait de plus en plus nettement sous un ciel de plus en plus lumineux.

La marche l'absorbait et il sursauta lorsqu'il aperçut distinctement le carrefour en T devant lui. Il revint un peu sur ses pas pour aller s'abriter sous l'auvent d'une boutique et s'adossa à la porte fermée. Au bout d'un moment, il eut froid.

– Voilà le vieux, dit quelqu'un.

– Il a plutôt l'air gai, fit une autre voix.

Vieux Shuan sursauta une fois de plus et ouvrant les yeux, vit passer plusieurs hommes. L'un d'eux se retourna même pour le fixer, et quoiqu'il ne pût bien distinguer son visage, il perçut dans ses yeux une lueur de convoitise, comme d'un affamé à la vue de la nourriture. Vieux Shuan regarda sa lanterne, elle était éteinte. Il tâta sa poche, le paquet dur était toujours là. Puis il jeta un coup d'œil autour de lui et aperçut des gens étranges, qui, par deux ou par trois, déambulaient comme des âmes en peine. Il les examina plus attentivement, mais ne décela rien qui sortit de l'ordinaire.

Des soldats arrivaient. Le grand cercle blanc ornant la poitrine et le dos de leur uniforme se voyait même à distance. Il en distingua aussi le liséré grenat alors qu'ils approchaient. La seconde d'après, une foule déferlait devant lui en piétinant lourdement. Les petits groupes arrivés plus tôt convergèrent soudain, puis s'élancèrent comme la marée à l'assaut. Ils s'arrêtèrent brusquement à l'entrée du carrefour et se mirent en demi-cercle.

Vieux Shuan regarda aussi dans cette direction mais n'aperçut que des dos. Le cou tendu au maximum, on eût dit des canards tenus en l'air par quelque main invisible. Un moment, tout fut tranquille ; puis, il y eut des rumeurs confuses et la foule s'agita ; enfin, elle reflua dans un grand brouhaha jusqu'au-delà de l'endroit où se tenait Vieux Shuan, qu'elle faillit renverser.

– Hé, passe-moi l'argent et je te passe la marchandise !

Un homme tout vêtu de noir, le regard aigu comme un poignard, se tenait devant Vieux Shuan, qui se sentit devenir tout petit. L'homme lui fourrait sous le nez une main énorme, grande ouverte, et dans l'autre serrait un petit pain à la vapeur d'où un liquide cramoisi s'échappait goutte à goutte.

Tremblant, Vieux Shuan tira vite les pièces d'argent de sa poche pour les remettre à l'homme, mais il n'osait pas prendre la chose. L'autre s'impatienta, cria :

– Qu'est-ce qui t'effraie ? Pourquoi ne le prends-tu pas ?

Vieux Shuan hésitant encore, l'homme en noir attrapa le lampion, en déchira le papier, y enveloppa le petit pain qu'il lui mit de force dans la main, puis il s'empara de l'argent, le palpa et s'en alla en grommelant : « Vieux fou… ! »

« C'est pour quel malade ? » Il sembla à Vieux Shuan entendre quelqu'un lui poser la question, mais il ne répondit pas. Toute son attention allait au paquet qu'il portait avec autant de précautions que s'il s'était agi de l'unique rejeton de dix générations. Plus rien d'autre ne comptait. Il allait transplanter cette vie neuve dans sa propre maison et il en retirerait beaucoup de bonheur. Le soleil s'était levé, il éclairait la grande route qui menait droit chez lui et aussi, dans son dos, le panneau aux caractères dorés et à demi-effacés, qui annonçait au carrefour : Entrée du Pavillon ancien...

II

Lorsque Vieux Shuan arriva chez lui, la salle avait été nettoyée, les tables à thé bien alignées luisaient de propreté.Il n'y avait pas de clients, seul Petit Shuan déjeunait à une des tables du fond. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front, sa veste doublée lui collait au dos, où ses omoplates saillaient en forme de huit . Vieux Shuan fronça les sourcils, sa sérénité disparut. Sa femme arriva en hâte de la cuisine, le regard suppliant, la lèvre tremblante.

– Tu l'as ?

– Je l'ai.

Ils passèrent tous deux dans la cuisine où ils se concertèrent un moment ; puis, la femme s'éclipsa pour revenir peu après avec une feuille de lotus séchée qu'elle étala sur la table. Vieux Shuan défit le papier de la lanterne, prit le pain à l'enduit cramoisi et l'enroula dans la feuille de lotus. Petit Shuan avait fini de déjeuner, mais sa mère s'empressa de lui dire :

– Reste à table, Petit Shuan, ne viens pas par ici !

Vieux Shuan arrangea le feu, plaça le paquet couleur de jade et les lambeaux du lampion rouge et blanc dans le fourneau. Une flamme rouge et noire monta, une odeur étrange se répandit dans la maison de thé.

– Ça sent bon ! Que préparez-vous donc ?

Cinq-le-bossu venait d'entrer. Il était de ceux qui passent leur temps dans les maisons de thé, premier arrivé et dernier parti. Il se traîna jusqu'à une table de coin, près de la rue, et s'assit. Sa question restait sans réponse.

– Du gruau de riz grillé ?

Toujours pas de réponse. Vieux Shuan se précipita pour lui préparer du thé.

– Viens ici, Petit Shuan ! La mère appelait dans la chambre du fond. Elle l'installa sur un tabouret au milieu de la pièce, puis, lui présentant quelque chose de rond et de calciné sur une assiette, elle lui dit tout doucement :

– Mange... et tu iras mieux !

Petit Shuan prit la chose calcinée et l'examina. Il eut un sentiment étrange, comme s'il tenait sa propre vie dans ses mains. Il rompit la chose avec précaution. De la vapeur blanche s'échappa de la croûte noirâtre ; quand elle se fut dissipée, il vit qu'il s'agissait des deux moitiés d'un petit pain de farine blanche. Il eut vite fait de l'avaler, d'en oublier le goût, et il ne resta que l'assiette vide. Ses parents étaient là, l'encadrant. Leurs yeux semblaient vouloir lui insuffler quelque chose et, en même temps, extirper autre chose. Son cœur se mit à battre plus vite, il porta les mains à sa poitrine et se remit à tousser.

– Allonge-toi un moment et tu seras guéri, dit la mère.

Il obéit et se coucha, toussant encore. La mère attendit jusqu'à ce que sa respiration fût régulière, puis le couvrit précautionneusement avec une couverture fort rapiécée.

III

Il y avait foule dans la maison de thé, Vieux Shuan s'affairait, sa grosse bouilloire de cuivre à la main, pour servir chaque nouvel arrivant. Ses yeux étaient profondément cernés.

– Etes-vous souffrant, Vieux Shuan ? ... Qu'est-ce qui ne va pas ? s'enquit une barbe grisonnante.

– Rien.

– Rien ? En effet, à voir votre sourire, fit l'homme pour se rattraper, ce n'est pas possible...

– Il a trop à faire, c'est tout. Si son fils... Mais Cinq-le-bossu n'avait pas achevé sa phrase qu'un homme au visage de brute faisait irruption. Sa tunique noire était déboutonnée et une large ceinture noire la serrait négligemment à la taille. Il était à peine entré qu'il criait :

– Alors, il l'a pris ? Ça va mieux ? La chance est avec vous, Vieux Shuan. Si je n'en avais pas été informé aussi vite...

Vieux Shuan écoutait, souriant, la bouilloire d'une main, l'autre main appuyée respectueusement le long du corps. En fait, tous les clients écoutaient avec respect. Le sourire aux lèvres, la mère Hua, qui avait les yeux cernés elle aussi, apportait une tasse contenant des feuilles de thé surmontées d'une olive. Vieux Shuan y versa de l'eau bouillante pour le nouvel arrivant.

– Guérison garantie ! Rien à voir avec les autres remèdes !Pensez donc, c'était tout chaud ! Et avalé tout chaud, poursuivait l'homme au visage mafflu.

– C'est vrai, nous n'y serions jamais arrivés sans Oncle Kang, dit la mère en le remerciant avec effusion.

– Guérison garantie, garantie ! Et encore, mangé tout chaud ! Un petit pain trempé dans du sang humain comme celui-là débarrasse de n'importe quelle phtisie !

Le mot « phtisie » décontenança un peu la mère, qui pâlit légèrement. Elle parvint néanmoins à esquisser un sourire et trouva un prétexte pour s'éclipser. Oncle Kang n'avait rien remarqué, il continuait à parler à pleine voix, réveillant Petit Shuan dont la toux reprit dans la chambre du fond et se mêla aux paroles de l'homme.

– Oui, votre Petit Shuan a vraiment de la chance. Ce sera sûrement la guérison complète. Pas étonnant que Vieux Shuan soit tout sourires. L'homme à la barbe grisonnante s'approcha d'Oncle Kang et baissa la voix pour demander :

– Il paraît que le criminel exécuté aujourd'hui était de la famille Xia. De qui était-il le fils ? Et pourquoi l'a-t-on exécuté ?

– De qui ? De la femme de Xia-le-quatrième, bien sûr ! Un vaurien !

Voyant qu'on buvait ses paroles, Oncle Kang ne se contint plus. Son mufle grimaça et il lança d'une voix tonitruante :

– Ce petit vaurien était un risque-tout, il a joué sa vie ! Et cette fois, cela ne m'a rien rapporté. Même les vêtements dont il a été dépouillé ont été pris par Ah Yi Œil-rouge, le gardien de prison. C'est Oncle Shuan qui a été le plus chanceux dans cette affaire et, après lui, Xia-le-troisième. Celui-là a empoché toute la prime, vingt-cinq onces d'un argent brillant comme neige, sans avoir à verser une sapèque.

Petit Shuan arrivait lentement de la chambre du fond, les deux mains sur sa poitrine, toussant sans arrêt. Il alla dans la cuisine, remplit un bol avec du riz froid, l'arrosa d'eau bouillante et s'installa pour manger. Sa mère qui l'avait suivi, lui demanda doucement :

– Te sens-tu mieux ? As-tu toujours l'estomac aussi vide ?

– Guérison garantie ! C'est garanti, claironna Oncle Kang en jetant un coup d'œil sur l'enfant ; il se retourna vers son auditoire et reprit : Xia-le-troisième est un malin, s'il ne l'avait pas dénoncé, toute la famille y serait passée, lui compris, et avec leurs biens. Tandis que maintenant : de l'argent ! Le petit vaurien était vraiment un pas-grand-chose. Il a même essayé de pousser le gardien à se révolter.

– Aya ! C'est inouï ! s'étonna d'un air indigné un jeune homme dans la vingtaine, assis au dernier rang.

– Ah Yi Œil-rouge essayait de le faire parler, mais l'autre a engagé la conversation. Il lui a affirmé que le grand empire des Qing nous appartient à nous . Pensez donc ! Est-ce que ce sont là des paroles sensées ? Ah Yi savait bien que son prisonnier n'avait plus que sa vieille mère, mais il n'aurait pas cru qu'il était pauvre au point de ne pouvoir en tirer une sapèque. Cela l'avait déjà rendu furieux et lorsque notre jeune fou s'est mis à « chatouiller la tête du tigre », il lui a administré une paire de gifles.

– Frère Yi est un excellent boxeur, les gifles ont dû faire mal, jubila le Bossu dans son coin.

– Le propre à rien n'avait pas peur des coups. Il a même dit que cela lui faisait pitié.

– Pas de pitié pour un scélérat de cette espèce, dit Barbe-grise.

Oncle Kang le toisa de tout son haut et fit avec mépris :

– Vous n'avez pas compris. De la façon dont il le disait, c'est Ah Yi qui lui faisait pitié.

D'étonnement, les regards se figèrent, il y eut un silence. Petit Shuan avait vidé son bol de riz, il était en nage, son front fumait.

– Ah Yi lui faisait pitié... C'est de la folie ! Il devait être fou, dit Barbe-grise, comme s'il venait soudain de comprendre.

– Il devait être fou, reprit le jeune homme dans la vingtaine, qui avait saisi, lui aussi.

La maison de thé retrouva son animation ; les clients se remirent à rire et à bavarder. Au milieu de la gaîté générale, Petit Shuan se laissa aller à un violent accès de toux. Oncle Kang s'approcha, lui tapota l'épaule :

– Guérison garantie ! Ne tousse pas comme ça, Petit Shuan, guérison garantie !

– De la folie ! dit encore Cinq-le-bossu en hochant la tête.

IV

Les terres attenant aux murailles de la ville, de l'autre côté de la porte de l'Ouest, étaient domaine public. Un sentier en zigzag, tracé par les passants en quête d'un raccourci, tenait lieu de ligne de démarcation : à gauche, les criminels exécutés ou morts en prison, à droite, le cimetière des pauvres. De part et d'autre, les tombes étaient aussi serrées que les piles de petits pains un jour d'anniversaire chez les riches.

Qingming [1] était plus froid que les autres années. Les bourgeons des saules n'avaient pas la grosseur d'un demi-grain de riz. Peu après le lever du jour, la mère Hua avait disposé quatre plats et un bol de riz devant une tombe toute fraîche, du côté droit du sentier, et elle restait là à se lamenter. Quand elle eut brûlé des lingots de papier d'argent, elle s'assit, le regard vide, comme dans l'attente de quelque chose, bien qu'elle n'eût pu dire quoi. Un léger coup de vent souleva ses cheveux courts, qui étaient bien plus blancs que l'année précédente.

Une autre femme grisonnante, veste et jupe en haillons, arrivait par le sentier. Au vieux panier rond, laqué de rouge, qu'elle portait, était accrochée une guirlande de lingots en papier d'argent. Elle s'arrêtait souvent. Quand elle aperçut la mère Hua, assise par terre et qui la regardait, elle hésita et la honte colora son visage blême. Elle fit appel à tout son courage, passa du côté gauche du sentier et posa son panier devant une tombe.

Cette tombe était juste à la hauteur de celle de Petit Shuan, seul le sentier les séparait. La mère Hua regarda la femme disposer les quatre plats et le bol de riz, se redresser pour se lamenter et enfin brûler les lingots de papier d'argent. « Elle doit avoir aussi son fils dans la tombe », se dit-elle. La vieille promena son regard vide sur les alentours, puis se mit à trembler et chancela, à reculons. Craignant que le chagrin ne lui fît perdre la raison, la mère Hua s'empressa de traverser le sentier pour dire à voix basse :

– Ne vous affligez pas ainsi, Grand-mère ; nous ferions bien de rentrer.

La vieille acquiesça d'un signe de tête, mais, le regard toujours fixe, marmonna :

– Là ! Qu'est-ce que c'est ?

La mère Hua regarda ce qu'elle lui indiquait et vit que l'herbe n'avait pas entièrement repoussé sur la tombe d'en face, qu'il y restait de vilaines plaques de terre jaune. Mais à l'examiner plus attentivement, elle s'étonna aussi de voir que le sommet du tertre était entouré de fleurs rouges et blanches.

Les deux femmes voyaient mal depuis longtemps, pas au point cependant de ne pas distinguer nettement ces fleurs rouges et blanches. Peu nombreuses, elles étaient disposées en forme de couronne ; et le soin apporté à l'arrangement compensait leur manque de vigueur. La mère Hua regarda la tombe de son fils où, comme sur les autres tombes, seules quelques petites fleurs blanches clairsemées avaient résisté au froid ; sans savoir pourquoi, elle éprouva une impression de vide et se sentit frustrée. L'autre femme s'était approchée de la tombe, l'examinait. « Elles n'ont pas de racines, se dit-elle, elles n'ont pu prendre. Qui serait venu ? Les enfants ne jouent pas par ici... Ceux de notre famille, ne nous fréquentent plus depuis longtemps... Qu'est-ce que cela signifie ? » Elle réfléchit un moment, soudain ses larmes se mirent à couler et elle s'écria :

– Petit Yu, mon enfant, tous ont été injustes envers toi, et tu n'oublies pas. Ta douleur est-elle encore si grande que tu aies provoqué ce prodige pour me le faire savoir ?

Elle regarda autour d'elle et n'aperçut qu'un corbeau sur une branche dénudée.

– Je sais, Yu, mon fils, poursuivit-elle ; ils t'ont assassiné, mais le jour des comptes viendra... Le ciel y veillera. Dors en paix... Si tu es vraiment ici, si tu m'entends, fais que ce corbeau se pose au sommet de ta tombe en guise de réponse.

Le vent était tombé ; droites et raides, les herbes sèches étaient autant de fils de cuivre. Un son ténu et tremblant fit vibrer l'air et s'amenuisa peu à peu, cédant la place à un silence de mort. Debout dans l'herbe sèche, les deux femmes fixaient le corbeau perché dans les branches rigides ; la tête enfoncée, il était aussi immobile que le fer.

Un long moment s'écoula. Des gens arrivaient, de plus en plus nombreux, des vieux, des jeunes, qui apparaissaient et disparaissaient entre les tombes.

Sans savoir pourquoi, la mère Hua, se sentit comme soulagée d'un grand poids ; elle songea à partir et chercha à entraîner l'autre :

– Rentrons ; cela vaut mieux.

La vieille femme soupira, ramassa nonchalamment les plats et le riz, hésita encore, puis s'en alla à pas lents, tout en murmurant :

– Qu'est-ce que cela signifie ?

Elles n'avaient pas fait trente pas qu'un croassement sonore les fit sursauter ; tournant la tête, elles virent le corbeau : il déployait ses ailes, prenait son élan et, tel une flèche, filait vers l'horizon.

Avril 1919


[1] Qingming, Fête des Morts, le 15 e jour du 3 e mois lunaire, soit généralement au début d'avril. Ce jour-là, les familles faisaient des offrandes aux âmes des morts. On brûlait également sur les sépultures, du papier doré et argenté en forme de lingots, symbole de l'argent dont les morts étaient censés avoir besoin dans l'au-delà. +2V86yL6mg5GqQk9FDQE8AWKH64ZVAZSHFIBxq9GAU+n26EBW8IUg1eCGmim/yui

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