Songer à la disparition du genre humain laisse une impression d'abandon et de tristesse extrêmes ; ce qui n'est pas le cas avec la mort de quelques personnes.
Le chemin de la vie est en mouvement, constamment à l'assaut de l'hypoténuse sans fin d'un triangle imaginaire, et rien ne peut l'arrêter.
La nature a doté les hommes de nombre d'incompatibilités et nombre d'hommes s'étiolent, dégénèrent ou retournent au vice, mais ce n'est pas cela qui fera jamais rétrograder la vie. Qu'importent les ténèbres qui endiguent le cours des pensées, les malheurs qui s'abattent sur la société, les crimes qui violent la morale, le genre humain aspirera toujours à la perfection et progressera toujours, écrasant toutes les épines de fer sur son passage.
La vie ne craint pas la mort, elle rit, elle bondit devant elle et progresse par-dessus les cadavres.
Qu'est-ce qu'un chemin ? Un lieu piétiné là où nul chemin n'existait auparavant, une percée opérée dans les terres incultes où seules poussaient les ronces.
Jadis, il y avait des routes ; demain, il y en aura aussi et toujours.
La vie étant en mouvement et optimiste, le genre humain ne se trouvera jamais à l'abandon.
Je disais hier à mon ami L. : « La mort d'un homme est triste pour lui et sa famille, mais ce n'est pas une grande perte pour son village ou sa ville. Et ça l'est moins encore pour la province, le pays et la nation... »
L. désapprouva : « On dirait que c'est la nature qui parle et non l'homme. Tu devrais faire attention. »
Il me semble qu'il avait raison, lui aussi.