Ceux qui ont la chose publique à cœur, s'indignent : « Le monde court à sa perte, les hommes ne sont plus ce qu'ils étaient et le bon vieil esprit chinois se meurt. Il ne nous reste qu'à nous tourner vers le ciel, qu'à nous tordre les mains, qu'à grincer des dents, qu'à soupirer encore et toujours. »
Moi aussi, j'ai été fort choqué quand j'ai entendu cela pour la première fois. Plus tard, en parcourant les Annales historiques de Sima Qian, j'ai trouvé dans « Chronique de la maison des Zhao », la déclaration suivante du seigneur Cheng contre la décision de son souverain de s'habiller à la manière des Huns :
J'ai entendu dire que la Chine est le pays des hommes intelligents et des sages, où abondent les possibilités et les richesses, où règnent la bonté et la justice, où sont observées les règles classiques de la poésie, de l'histoire, des rites et de la musique, où talent et habileté sont encouragés, vers lequel se tournent les peuples lointains, et qu'imitent les barbares. Mais vous vous détournez de nos habitudes pour un vêtement étranger. Vous modifiez les coutumes anciennes, à l'encontre des vœux du peuple, offensant ainsi nos lettrés et vous vous détachez de la Chine. C'est en vertu de cela que je vous prie de réexaminer la chose.
Ce sont très précisément les arguments qu'utilisent de nos jours ceux qui combattent les réformes. J'ai trouvé plus tard, dans l' Histoire des Dynasties du Nord , le récit que voici sur l'épouse de l'empereur Jing de la dynastie des Zhou du Nord :
Les dames du palais intérieur n'osaient approcher l'empereur, l'impératrice étant d'un naturel jaloux. Yuchi Hui avait une petite-fille fort belle qui servait à la cour. L'empereur la vit au palais de Renshou, s'en éprit et elle devint sa favorite. L'impératrice la fit tuer en cachette, alors que l'empereur était à la cour. Il se mit en colère et, seul, quitta le jardin. Il ne prit pas les grandes routes ni les sentiers et chevaucha pendant trente li s [1] dans la vallée, avant que Gao Ying et Yang Su ne le rattrapent, arrêtent sa monture et le pressent de revenir. L'empereur soupira : « J'ai rang de Fils du Ciel et je ne suis pas libre. »
C'est de cette manière que définissent la liberté ceux qui la prônent ou ceux qui la combattent. D'autres parallèles devraient pouvoir être établis, mais je me sens incapable de le faire, étant donné mon manque de connaissances. S'il faut néanmoins en juger par ces exemples, nous voyons que les hommes ne changent pas, malgré les années qui s'écoulent. Ils sont donc ce qu'ils ont toujours été.
En faisant un effort pour nous reporter un peu plus en arrière, nous pourrions revenir par bonheur aux jours d'avant les Trois Souverains et les Cinq Empereurs . Malheureusement, avec toutes les nouvelles saisons de l'esprit et tous les nouveaux courants d'opinion, le temps nous manque pour le faire.
De tous les vieux peuples encore en vie, les plus proches de l'idéal chinois sont les Veddas de Ceylan. Ces hommes de tribu sans contact avec le monde extérieur et n'ayant subi aucune influence étrangère en sont toujours à l'état primitif et sont en fait des hommes d'un âge d'or révolu.
Je sais que leur nombre décroît d'année en année, qu'ils ont presque disparu. C'est plus que regrettable !
[1] 1 li = 500 mètres.