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Sauf accident, tous les animaux supérieurs passent de la jeunesse à la fleur de l'âge, pour vieillir et mourir ensuite.
Nous sommes passés sans le moindre incident de l'enfance à l'âge adulte et le reste de notre existence devrait donc également être sans incident.
Il y a, malheureusement, une sorte de gens qui passe sans le moindre incident de l'enfance à l'âge adulte, devient un peu bizarre entre l'âge adulte et la vieillesse, mais qui se comporte de manière singulière entre la vieillesse et la mort. Elle cherche à barrer la route aux jeunes, à disputer l'air qu'ils respirent.
Il ne resterait, dans ce cas, aux jeunes qu'à dépérir avant la force de l'âge, et à attendre la vieillesse, avec les sens qui s'émoussent et les artères qui durcissent, pour pouvoir devenir actif. Le signe particulier de notre société, ce sont donc de vieilles têtes sur de jeunes épaules, des gens qui se permettent de prendre leur envol lorsque leur dos se voûte, comme si c'était à ce moment-là qu'ils accédaient à l'âge adulte.
Même ainsi, ils ne peuvent oublier qu'ils sont vieux. Partant, ils veulent devenir immortels. Tous les êtres vieillissent forcément, mais les Vieux messieurs de chez nous doivent figurer au premier rang de ceux qui refusent de vieillir.
Parviendraient-ils à l'immortalité qu'ils demeureraient à jamais en place et n'auraient nul besoin de successeurs – ce serait admirable. Mais, hélas, il n'en sera rien. Ils meurent à tour de rôle, ne laissant derrière eux que le monde blanchi qu'ils ont créé par le poids dont ils ont pesé sur le dos courbé des jeunes.
C'est là une aberration du règne animal !
A mon avis, la perpétuation de l'espèce, la perpétuation de la vie, joue un rôle déterminant dans le règne animal. Pourquoi cette perpétuation ? Par souci d'évolution, évidemment ! Mais ce qui est jeune doit supplanter ce qui est vieux pour qu'il y ait évolution. C'est ainsi que ce qui est neuf progressera dans la joie vers la maturité, tandis que ce qui est vieux ira joyeusement vers la mort. Il y a évolution quand tout prend cette voie.
Les vieux doivent céder la place aux jeunes, les presser d'avancer, les y encourager, les aider. S'il se trouve des ornières sur la route, que les morts les bouchent afin que les vivants puissent poursuivre leur progression.
Les jeunes seraient reconnaissants envers les vieux d'avoir bouché ces trous pour qu'ils puissent continuer à avancer, et les vieux seraient reconnaissants envers les jeunes d'aller audelà des ornières qu'ils auraient comblées. L'humanité poursuivrait à jamais sa marche en avant.
Nous passerons avec joie de l'enfance à l'âge adulte, de la vieillesse à la mort, si nous comprenons cela. Et les nouvelles générations iront, pas à pas, plus loin que leurs pères.
C'est la voie même du règne animal, la voie frayée par les ancêtres de l'homme.