购买
下载掌阅APP,畅读海量书库
立即打开
畅读海量书库
扫码下载掌阅APP

Littérature et révolution

4 avril 1928

Cher Monsieur Dongfen,

Comme je ne suis pas un critique, je ne suis pas non plus un artiste, car de nos jours, pour être spécialiste en quoi que ce soit, il faut aussi être un critique ou avoir un ami qui est du métier. Sans appui, vous êtes sans ressource, dans tous les cas aujourd'hui, sur le Bund de Shanghai. N'étant pas artiste, je n'ai aucune vénération spéciale pour l'art, et le charlatan est seul à esquisser des mouvements de boxe pour vanter ses remèdes. Je tiens tout au plus l'art pour un phénomène social, pour le souvenir de la vie d'une époque. Les œuvres deviendront caduques ou périront si l'humanité progresse, que l'on ait écrit sur des événements extérieurs ou la vie intérieure. Cette perspective semblait terrifier les critiques ces derniers temps – c'est qu'ils poussent à l'immortalité dans le monde des lettres.

L'apparition de multiples « ismes » est également un phénomène inéluctable. Des révolutions se produisant constamment, il existe tout naturellement une littérature révolutionnaire. Un bon nombre de peuples prennent conscience et certains sont déjà au pouvoir, alors que beaucoup d'autres continuent à souffrir. Cela donne tout naturellement naissance à la littérature populaire ou, plus carrément, à la littérature de la quatrième classe.

Je ne connais guère les diverses tendances de la critique littéraire chinoise et ne m'y intéresse que fort peu. Mais d'après ce que j'entends et vois, il me semble que des autorités en la matière recourent à des critères particulièrement variés, anglo-américains, allemands, russes, japonais et évidemment chinois, ou un mélange d'entre eux. Certains veulent la vérité, d'autres désirent combattre. Certains affirment que la littérature doit transcender l'époque, d'autres font des remarques sarcastiques derrière le dos des gens. Et d'autres encore, qui posent aux critiques littéraires autorisés, font les dégoûtés quand quelqu'un encourage à écrire. Mais qu'ont-ils en tête ? Cela me paraît totalement incompréhensible, car qu'y a-t-il à critiquer s'il n'y a pas de littérature ?

Laissons momentanément les autres questions de côté. Aujourd'hui, les soi-disant écrivains révolutionnaires se proclament des militants ou se veulent transcendants. Transcender son époque revient en fait à une sorte de fuite. Et ce chemin-là, ils le prendront, consciemment ou non, si tout en continuant à se prétendre révolutionnaires, il leur manque le courage de regarder la réalité en face. Comment peut-on échapper à notre monde si l'on y vit ? C'est aussi faux que de prétendre s'élever au-dessus de cette terre en tirant sur une de ses oreilles. La littérature ne peut prendre son envol si la société ne bouge pas. Et si elle fleurit dans une société aussi statique, cela signifie qu'elle est tolérée, qu'elle a tourné le dos à la révolution, et le seul résultat est une diffusion légèrement plus grande des revues ou une chance d'être publié par des revues éditées par de grandes entreprises commerciales.

Je crois qu'il est juste de combattre. Pourquoi les gens ne combattraient-ils pas s'ils sont opprimés ? Mais c'est ce que craignent les « vrais messieurs » , qui condamnent ce fait comme étant de « tendance radicale », tout en prétendant que les hommes sur la terre sont là pour s'aimer les uns les autres, ce qu'ils feraient si une bande de mauvais sujets ne venaient les corrompre. Les bien nourris aiment probablement les affamés, mais les affamés n'aiment jamais les bien nourris. Du temps de Huang Chao , lorsque les hommes s'entre-dévoraient, l'affamé n'aimait même pas l'affamé ; ce n'était pas les ennuis suscités par la littérature de combat qui étaient en cause. Je n'ai jamais cru que la littérature a le pouvoir de bouleverser ciel et terre, mais je pense qu'il est fort possible que des gens veulent l'utiliser dans d'autres buts. Elle peut, par exemple, servir à la propagande.

L'Américain Upton Sinclair a dit : Toute littérature est propagande. Nos écrivains révolutionnaires aiment beaucoup cette citation et l'ont reproduite en gros caractères, tandis que les critiques sérieux traitent Upton Sinclair de « socialiste frivole ». Mais étant moi-même frivole, je suis d'accord avec lui. Toute littérature devient propagande dès qu'on la montre à quelqu'un. Cela s'applique aussi à l'œuvre individualiste, dès qu'elle est écrite, elle peut servir à la propagande. Ou bien alors, n'écrivez jamais, n'ouvrez jamais la bouche. Cela étant, il va de soi que la littérature peut être utilisée comme un instrument pour faire la révolution.

Mais je crois qu'il nous faut tout d'abord essayer de disposer d'un contenu riche et d'une technique habile, et ne pas être pressés de nous poser en tant qu'écrivains. Les vieilles marques Dao Xiang Cun et Lu Gao Jian ont perdu de leur attrait et je doute qu'une entreprise appelée « Magasin des chaussures Impératrice douairière » puisse s'attirer une plus grande clientèle qu'une autre appelée « Magasin des chaussures Impératrice ». Les écrivains révolutionnaires se cabrent à la moindre mention de « technique ». Mais à mon avis, et malgré que toute la littérature soit de la propagande, toute la propagande n'est pas de la littérature ; de même que les fleurs ont des couleurs (dont le blanc), toutes les choses qui ont de la couleur ne sont pas des fleurs. En plus des mots d'ordre, affiches, proclamations, télégrammes, manuels, etc., la révolution a besoin de littérature, tout simplement parce qu'elle est la littérature.

Mais la soi-disant littérature révolutionnaire chinoise semble une fois de plus faire exception. L'enseigne a été accrochée et nos écrivains se félicitent les uns les autres, mais n'osent regarder sans sourciller la tyrannie et les ténèbres d'aujourd'hui. Et s'il est exact qu'il a été publié des œuvres, elles sont souvent écrites plus maladroitement que des articles de presse. Ou bien, on laisse aux comédiens le soin des indications de scène, cette littérature-là étant estimée « désuète ». Et dans ce cas, le contenu idéologique restant devrait-il être très révolutionnaire ? Laissez-moi citer les deux dernières lignes d'une œuvre de Feng Naichao !

La prostituée : Je ne crains plus les ténèbres.

Le voleur : Il faut nous révolter donc !

Lu Xun Xc3splqvQuxbQ4j67n5RBth6FPuHAphMbUg2b19F5+woNpLGfqjtd4X52AYBVcDO

点击中间区域
呼出菜单
上一章
目录
下一章
×