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Réflexions sur la nouvelle littérature d'aujourd'hui

Exposé fait au Cercle littéraire chinois de l'Université de Yanjing, le 22 mai 1929

Cela fait plus d'un an que je ne m'adresse guère aux jeunes, la latitude de nous exprimer étant fort limitée depuis la révolution. Si vous n'êtes pas un extrémiste, c'est que vous êtes un réactionnaire, et être l'un ou l'autre n'est pas à votre avantage. Cette fois, après mon retour à Beiping, de vieux amis m'ont cependant demandé de venir dire quelques mots, et comme je ne suis pas capable de leur opposer un refus, me voici. Mais, perdant mon temps à des bagatelles, je n'ai pu décider de quoi je parlerais, ni même du titre de mon sujet.

Je comptais le faire dans l'autobus en venant, et la route est si mauvaise que le bus, qui n'a cessé de nous faire rebondir à un pied de hauteur, a rendu toute réflexion impossible. J'ai alors eu l'idée que la chose arrivée de l'extérieur ne sert à rien par elle-même. Si vous avez des autobus, il vous faut aussi avoir de bonnes routes. Tout est inévitablement conditionné par l'environnement, et cela vaut pour la littérature, pour ce que l'on appelle en Chine la nouvelle littérature, ou littérature révolutionnaire.

Il nous faut admettre, aussi patriotes que nous soyons, que notre civilisation est plutôt retardataire. Tout ce qui est nouveau nous vient de l'étranger, et le nouveau pouvoir se situe au-delà de la compréhension de la plupart d'entre nous. Beiping n'en est pas encore là, mais dans les concessions étrangères de Shanghai, par exemple, les étrangers habitent dans le centre, entourés d'un cordon d'interprètes, d'espions, de policiers, de « boys », etc., qui comprennent leurs langues et connaissent les règlements des concessions étrangères. Les gens du peuple, enfin, sont en dehors de ce cercle.

Quand ils entrent en contact avec les étrangers, ils ne comprennent jamais vraiment ce qui se passe. Si l'étranger dit : « Oui », l'interprète dit : « Il m'a dit de te gifler ». Si l'étranger dit : « Non », l'interprète traduit : « Fais-le fusiller ». Il vous faut en connaître un peu plus pour éviter ces ennuis insensés et rompre le cercle.

I1 en est de même dans le monde des lettres. Nous le connaissons trop peu et disposons de trop peu de matériaux pour nous aider à apprendre. Liang Shiqiu a son Babbitt, Xu Zhimo son Tagore, Hu Shi son Dewey – ah oui, Xu Zhimo a aussi Katherine Mansfield, puisqu'il a pleuré sur sa tombe – et le Cercle Création a la littérature révolutionnaire, la littérature à la mode. Il existe peu d'études à ce sujet, encore que les œuvres conformes à la mode soient nombreuses. Certains sujets restent la chasse gardée de quelques-uns qui établissent eux-mêmes les thèmes.

Chaque littérature est le produit de son milieu, et si des dévots de cet art aiment affirmer qu'il provoque l'événement, la vérité est que la politique vient d'abord et que la littérature se transforme en conséquence. Estimer que cet art peut modifier le milieu tient du bavardage « idéaliste ». L'événement vrai est rarement ce que les hommes de lettres imaginent. C'est pour cela que les grandes révolutions détruisent nécessairement les soi-disant écrivains révolutionnaires qui les ont précédées. Et c'est quand la révolution a obtenu quelques résultats et que le temps de respirer un peu est venu que les nouveaux écrivains révolutionnaires vont apparaître. Cela s'explique par le fait que des œuvres apparemment révolutionnaires surgissent dès le moment où la vieille société approche de l'effondrement, mais elles ne sont pas authentiquement de la littérature révolutionnaire. Exemples : Un homme peut haïr la vieille société, mais il n'aura que haine, pas de vision d'avenir. Il peut exiger des réformes sociales, mais si vous lui demandez à quelle société il aspire, il s'agira de quelque somptueuse utopie. Ou il peut être fatigué de la vie et désirer un quelconque grand changement qui viendra le stimuler, comme l'homme saturé de boisson et de nourriture prend du piment pour s'aiguiser l'appétit. Et il y a encore les personnages du type révolu, qui ont raté leur carrière et qui arborent une enseigne neuve et comptent sur le nouveau pouvoir pour améliorer leur statut.

La Chine a eu des écrivains qui en appelaient à la révolution et qui, la révolution venue, se sont tus. Par exemple, les membres du Cercle Sud, de la fin de la dynastie des Qing. Ce cénacle littéraire mena campagne pour la révolution, il se lamenta sur le fait que les Hans sont tenus dans l'asservissement, se déchaîna contre la tyrannie des Mandchous et aspira au retour du « bon vieux temps ». Mais il sombra dans le silence après l'instauration de la République. Je suppose que la raison en est qu'il rêvait « à la restauration de l'ancienne splendeur » après la révolution – hauts bonnets et larges ceintures des fonctionnaires de jadis. Les choses se présentant autrement, il se désintéressa de tout, rien ne l'incita plus à écrire. La Russie elle-même fournit des exemples plus frappants. Au début de la Révolution d'Octobre, beaucoup d'écrivains révolutionnaires étaient enthousiastes et heureux de se soumettre à l'épreuve de la tempête, ils saluaient l'ouragan. Mais plus tard, le poète Essénine et le romancier Sopoly se suicidèrent et on disait ces derniers temps que le célèbre écrivain Ehrenbourg devenait plutôt réactionnaire. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit non pas d'un ouragan qui les emporte, ni d'une tempête qui les met à l'épreuve, mais d'une vraie et bonne révolution. Leurs rêves ont été fracassés et il ne leur est donc plus possible de vivre. Ils n'ont pas le bonheur des poètes qui croient qu'après la mort leur âme va au ciel et s'assied au côté de Dieu pour se nourrir de gâteaux [1] . Car ils sont morts avant d'avoir atteint leur idéal.

On dit que la Chine, naturellement, a déjà fait la révolution. C'est peut-être vrai dans le domaine politique, mais non dans le domaine de l'art. Certains affirment que « la littérature petite-bourgeoise relève la tête ». Elle n'existe pas à vrai dire ; elle n'a même pas de tête. A en juger par ce que j'ai dit antérieurement, et que peu de révolutionnaires apprécient, il n'y a eu ni changement ni renaissance dans notre littérature, elle ne reflète ni révolution ni progrès.

Quant à la littérature plus radicalement révolutionnaire préconisée par le Cercle Création, la littérature du prolétariat, elle n'existe que de nom. Le poème de Wang Duqing, qui est interdit partout, a été écrit dans la concession internationale de Shanghai, d'où il lorgnait le Guangzhou révolutionnaire. Mais son PONG, PONG, PONG, imprimé en grands caractères, montre simplement qu'il a été influencé par les affiches des films de Shanghai et la publicité pour les épiceries qui vendent les produits à base de soya. Il imite Les Douze de Blok, dont il n'a pas la puissance ni le talent. Pour nombre de gens, La Main de Guo Moruo est une œuvre excellente. Elle raconte comment un révolutionnaire perdit une main après la révolution, mais qu'il peut, avec sa main restante, tenir celle de son amie – la perte arrange bien les choses. Car, s'il vous faut perdre un de vos membres, la main est assurément ce qu'il y a de plus avantageux. Une jambe serait incommode, et la tête plus encore. Et il y faut moins de courage, si tout ce que vous craignez de perdre est une main. Il me semble pourtant qu'un révolutionnaire est prêt à sacrifier bien davantage. La Main , c'est encore la vieille rengaine de toujours, celle des épreuves que subit le pauvre lettré, qui finit, comme d'habitude, par passer les examens impériaux et épouser la jolie fille.

Mais tout cela reflète la situation actuelle de la Chine. La couverture d'un livre révolutionnaire publié récemment à Shanghai montre un trident emprunté à la couverture des Symboles de la misère et, appuyé contre la dent centrale de celui-ci, le marteau du drapeau soviétique. La juxtaposition a pour résultat que vous ne pouvez pas embrocher avec le trident ni frapper avec le marteau, et témoigne tout au plus de la stupidité de l'artiste – cela pourrait très bien servir d'insigne à tous ces écrivains.

Il est évidemment possible de passer d'une classe à l'autre. Mais le mieux serait de donner franchement votre point de vue, pour que les gens sachent si vous êtes un ami ou un ennemi. N'essayez pas de cacher que vous avez la tête pleine de scories, en vous désignant théâtralement, le doigt sur le bout du nez : « Je suis le seul vrai prolétaire. » De nos jours, les gens sont à ce point hypersensibles que le seul mot de « Russie », leur coupe pour ainsi dire le souffle, et ils interdiront bientôt aux lèvres d'être rouges. Tant de publications leur font peur. Et nos écrivains révolutionnaires, qui ne veulent pas introduire davantage de théories et d'œuvres étrangères, se donnent en spectacle et finissent par produire quelque chose du genre « Réprimandes sur ordre de l'empereur » de feu la dynastie des Qing – sans que personne y comprenne quelque chose.

Je vous dois probablement quelques mots d'explication pour l'expression « Réprimandes sur ordre de l'empereur ». Cela remonte à l'empire, quand il était ordonné au fonctionnaire ayant commis une faute d'aller s'agenouiller à l'extérieur d'une porte de la ville où l'empereur lui dépêchait un eunuque pour le semoncer. Si vous graissiez la patte de l'eunuque, il s'arrêtait vite. Sinon, il maudissait votre famille, depuis vos plus lointains ancêtres jusqu'à votre descendance. Il était considéré comme l'empereur en personne, mais qui pouvait aller demander à l'empereur si c'était vraiment cela qu'il voulait ? D'après un journal japonais, Cheng Fangwu a été choisi l'année dernière par les paysans et les ouvriers chinois pour aller étudier le théâtre en Allemagne. Nous n'avons aucun moyen de vérifier si c'est vraiment de cette manière-là qu'il a été choisi.

C'est pour cela que, comme je l'ai toujours dit, si nous voulons comprendre, il nous faut lire davantage de livres étrangers, pour rompre le cordon qui nous entoure. Cela ne présente pas trop de difficultés pour vous. Les livres anglais ou traduits de l'anglais sur la nouvelle littérature ne sont pas nombreux, mais il y a tout lieu de croire que les quelques-uns dont nous disposons sont relativement dignes de confiance. Après avoir lu plus d'œuvres théoriques et littéraires étrangères, vous vous sentirez beaucoup plus à même de juger clairement la nouvelle littérature chinoise. Mieux encore, vous pourriez les faire connaître en Chine. Il n'est pas plus facile de traduire que d'écrire de manière négligée, mais c'est mieux contribuer au développement de notre nouvelle littérature, et plus utile pour notre peuple.


[1] Allusion au poème de Heine, « Mit trâumt : Ich bin der liebe Gott » (Je rêvais que j'étais Dieu en personne), de Die Heimkehr (Le retour). WZtTdcsqKclZBregtJ/RUvb14W2abkwv4ApJt4riDqfG96KjzITHEB+1/fEJlPtD

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