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par Teng Tai, doyen de l'Institut de recherche
Wanbo sur la nouvelle économie
Si à court terme, c'est la demande qui agit sur l'offre, à long terme, c'est l'inverse qui se produit. l'offre ne peut que satisfaire la demande dès que sa structure et celle de la consommation ont atteint un certain degré de maturité. Mais avec leur optimisation, la nouvelle offre peut créer une nouvelle demande toujours plus importante.
l'offre et la demande constituent les deux côtés d'une même pièce qu'est l'économie. La différence de vues quant à leur relation engendre celle de compréhension sur l'ensemble de l'économie.
Les économistes Carl Menger et John Maynard Keynes insistent sur le rôle prédominant de la demande. Menger est le fondateur de la théorie de la valeur-utilité et Keynes, père de la macroéconomie moderne, établit sa théorie sur la demande agrégée. Selon eux, le changement de l'offre étant consécutif à celui de la demande, l'ajustement macroéconomique devrait être fondé sur la demande agrégée.
De leur côté, les économistes Jean-Baptiste Say, Adam Smith, Simon Smith Kuznets et Joseph Alois Schumpeter tentent d'expliquer le fonctionnement de l'économie sous l'angle de l'offre. Aux yeux du Français Jean-Baptiste Say, celle-ci excède la demande et peut créer automatiquement sa propre demande. Adam Smith révèle dans son ouvrage Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776)le rôle catalyseur du système en vigueur et de la division sociale du travail dans le développement économique. Kuznets tente quant à lui d'analyser la croissance tirée par l'évolution démographique et l'amélioration de la rentabilité de la production, en fondant ses recherches sur les relations intrant/extrant. De son côté, Schumpeter estime que l'innovation technologique dans la production reste la force motrice de la croissance économique en spirale et que la destruction créatrice par l'innovation technologique et institutionnelle constitue la force motrice à long terme du développement économique.
La demande sera plutôt synonyme de «désir» si elle n'a pas pour support l'offre ou le pouvoir d'achat. Il existe toutes sortes de désirs qu'il est pourtant impossible de satisfaire complètement. Mais ce n'est pas la même chose que l'offre et la demande telles qu'elles sont élaborées en économie. En effet, en sciences économiques, l'offre repose sur la vente de produits ou de services concrets et la demande se fonde sur la volonté et la capacité réelle de paiement.
La prétention à des biens et services de meilleure qualité existe depuis toujours. Toutefois, s'il n'y a pas de produit ou service qui puisse répondre à la demande, le désir demeurera fantasme. La nouvelle demande ne se manifeste que lorsque se présentent de nouveaux produits ou services. Prenons la voiture par exemple. L'envie d'«aller plus vite» existait bien avant l'apparition d'automobiles. Mais pendant des centaines d'années, ce désir n'a pas pour autant fait naître l'offre correspondante. Il aura fallu attendre l'invention de la voiture par les Allemands pour que le véhicule crée sa propre demande. C'est aussi le cas de l'avion. L'homme a depuis toujours rêvé de voler. Mais avant l'invention de l'avion par les frères Wright, le fait de voler ne se trouvait que dans les mythologies. Ce n'est que lorsque les progrès technologiques créent «la nouvelle offre»et engendre la volonté de paiement pour les biens ou services que se formule «la nouvelle demande» au sens économique. Dans une tribu où tout le monde restait pieds nus, on aspirait à porter des chaussures. Mais le souhait est resté à l'état de vœu pieux pendant des années. Quand un fabricant de chaussures leur a apporté ses produits, l'offre réelle de chaussures a créé la demande. Par conséquent, un désir abstrait ne peut pas créer une offre qui le satisfait, alors qu'une offre réelle peut engendrer une demande palpable.
En revanche, la demande agit sur l'offre à court terme. En effet, les stocks augmenteront si la consommation, les investissements ou les exportations font défaut. Les fabricants réduiront ainsi leur production, baissant l'offre à brève échéance. En conséquence, à long terme, l'offre crée la demande, alors qu'à court terme, la demande influence l'offre.
Sur les marchés actuels (par exemple dans une civilisation majoritairement agricole), les demandes fondamentales en matière de logement et de nourriture subsistent déjà. En l'occurrence, l'offre ne peut que satisfaire la demande, sans pouvoir la créer. En revanche, sur les nouveaux marchés, ce sont les films, les livres ou les informations qui nourrissent le besoin de les regarder ou les lire. De la même façon, le besoin de consommer des produits comme Apple ou Facebook est constaté également après leur création.
Sur les marchés avec une structure de l'offre constante, la demande évolue en fonction de facteurs tels que le prix, le revenu et le taux d'intérêt.
D = f (P, I, R…)
(D désigne la demande, P le prix, I le revenu et R le taux d'intérêt)
Par contre, dans une économie avec une structure de l'offre fluctuante, s'ajoutant à ces facteurs susmentionnés, la nouvelle offre joue également un rôle déterminant pour l'évolution de la demande.
D = f (P, I, R, NS…)
(D désigne la demande, P le prix, I le revenu, R le taux d'intérêt et NS la nouvelle offre)
Jean-Baptiste Say estime que l'offre crée sa propre demande, ce qui signifie que «la valeur de la demande agrégée est égale à la valeur de l'offre agrégée». Pour lui, le revenu provenant de la vente de 1 000 unités de produits est automatiquement converti en revenu pour les propriétaires des facteurs de production. Le travail, le capital et la terre seront reconsommés sous forme de salaires, d'intérêts et de loyers fonciers: une dépense équivalente de 1 000 unités est ainsi créée.
Cependant, aujourd'hui, la formulation «l'offre crée sa propre demande» ne tient pas debout dans la plupart des cas. Il s'agit d'un état purement théorique soumis à conditions. En réalité, dans la plupart des cas, l'offre ne peut créer la même quantité de demande et qui plus est, elle n'engendre aucune demande. Pour quelles raisons alors?
a) Une offre excédentaire n'est pas à même de créer une demande équivalente.
Le revenu global est, par définition, le revenu total du travail, de la terre et du capital. Mais dans la réalité, une offre excédentaire aboutit à une surproduction et à une accumulation de stocks. De toute évidence, l'offre excédentaire n'est pas en mesure de créer sa propre équivalence en matière de demande.
b) L'obsolescence de l'offre affecte sa capacité à créer la demande.
Même si l'offre n'est pas excédentaire, une offre surannée peut conduire à la mévente des produits. La capacité de l'offre à créer la demande est ainsi affaiblie. Dans ce cas de figure, l'offre n'arrive pas non plus à créer la même quantité de demande.
La nouvelle offre désigne les nouveautés en matière de technologies, de produits, de modèles d'affaires et de modes de gestion, susceptibles de créer une nouvelle demande et de donner naissance à des marchés inédits . Avant l'avènement de l'iPhone, la demande mondiale de ce produit était nulle. Mais une fois qu'il a vu le jour, la nouvelle demande n'a cessé d'augmenter. Son écran tactile, son système d'exploitation iOS et sa fonction APP Store ont révolutionné tant l'usage du téléphone portable que les modes de vie.
La nouvelle offre se réfère aussi à un nouveau modèle d'affaires ou de gestion. C'est le cas d'Uber et de Didi. Ils ne conçoivent pas de nouveaux produits destinés à la vente, mais utilisent de nouveaux modèles d'affaires, intègrent les ressources existantes, collaborent avec d'autres industries et se servent de technologies innovantes, via Internet, pour fournir aux utilisateurs un service de transport intégré et faciliter les déplacements dans les grandes villes.
La nouvelle offre contribue à la genèse de nouveaux marchés en créant constamment une nouvelle demande. L'innovation d'une industrie peut non seulement engendrer la nouvelle demande de l'industrie elle-même, mais entraîne une nouvelle demande chez les industries connexes. La nouvelle offre se répand dans les industries en amont et en aval à l'aide de leurs chaînes de production avant d'impacter l'ensemble de l'économie, multipliant ainsi les nouvelles demandes. Reprenons le cas d'Apple. Au moment où celle-ci a créé sa propre demande, elle a bâti ainsi son propre écosystème en regroupant iOS et APP Store. En tant que clef de voûte de cet univers, Apple n'a cessé d'améliorer l'expérience client grâce à des mises à jour du logiciel, provoquant continuellement la nouvelle demande et donc, concevant de nouveaux marchés.
L'émergence d'une nouvelle offre, et ainsi d'une nouvelle demande, passe souvent par l'acquisition de nouvelles connaissances, la découverte de facteurs inconnus, l'application de nouvelles technologies et le renouvellement du système. En parallèle, cette émergence est soumise aux contraintes provenant des politiques économiques et de l'environnement socio-culturel.
Les connaissances acquises permettent de perfectionner l'utilisation des ressources. À l'époque, les êtres humains, par exemple, se contentaient de la cueillette et de la chasse pour se nourrir. Avec l'approfondissement de leur savoir, notamment sur la croissance et la reproduction de la faune et de la flore, ils se sont mis à planter des arbres fruitiers, à cultiver des champs et à élever du bétail. Les sources alimentaires se sont ainsi multipliées et la nouvelle demande en nourriture créée ; au lieu de se contenter de la chasse, l'homme s'est orienté vers l'élevage et l'agriculture.
L'apparition de nouveaux facteurs de production peut aussi faire naître la nouvelle offre et créer la nouvelle demande. C'est le cas de la découverte du pétrole.
L'émergence et l'application de technologies innovantes peuvent également générer une nouvelle offre. Par exemple, grâce à l'application des techniques d'extraction et de séparation d'espèces chimiques, les scientifiques sont désormais en mesure d'extraire du pétrole l'essence et le kérosène, ce qui permet la fabrication de colorants, d'arômes artificiels et de produits pharmaceutiques. l'offre s'en trouve enrichie. Avec les progrès fulgurants de l'industrie pétrochimique, le pétrole est progressivement devenu la principale source de produits de première nécessité, remplaçant les produits agricoles. Prenons un autre exemple.À l'époque des grandes découvertes géographiques et pendant la révolution industrielle, l'invention du voilier, de la boussole, du navire et du télégraphe, a respectivement engendré une nouvelle offre et une nouvelle demande.
L'innovation institutionnelle abonde aussi dans ce sens. À la fin des années 1970, un système de responsabilité des ménages s'est mis en place dans les régions rurales en Chine. Alors que les conditions de l'offre en terre, en main-d'œuvre et en technologie sont restées inchangées pendant une courte période, seule l'adoption du nouveau régime a considérablement accru la productivité et amélioré l'offre en produits agricoles.
Il est difficile de prévoir quelle sera la prochaine nouvelle offre, car l'exploitation des ressources minières et l'innovation technologique sont imprévisibles, tout comme les grandes découvertes géographiques. Pourtant, ce qui est certain, c'est que la nouvelle offre se présentera sous forme de nouveaux produits, de nouvelles technologies, de nouveaux modèles d'affaires ou de gestion. La nouvelle demande sera finalement créée, tout comme de nouveaux marchés, suite à la modification des modes de vie, à l'amélioration de la productivité ou au changement de la proportionnalité des facteurs de l'offre.
Les exemples ne manquent pas pour illustrer que la nouvelle offre crée la nouvelle demande, exemples que l'on peut trouver durant toutes les phases du développement économique et dans tous les aspects de la vie des hommes. Avant l'invention de la voiture, nous n'aspirions pas aux automobiles; à l'époque où nous nous éclairions encore à la bougie ou que nous utilisions des pigeons pour nous transmettre des messages, nous ne pouvions concevoir ni les lampes électriques ni les téléphones portables. Toutefois, avec l'apparition des véhicules automobiles et des produits de communication, la demande pour ces nouveautés a été engendrée.
Prenons la chaîne industrielle d'Apple pour démontrer comment la nouvelle offre crée la nouvelle demande.
Tout d'abord, la nouvelle valeur commerciale en est la base. Elle est soumise à deux conditions: il doit y avoir un certain nombre de consommateurs potentiels et le coût doit rester dans une fourchette raisonnable. Avant l'apparition de l'iPhone, le marché était dominé par le téléphone portable à clavier physique. Grâce aux plateformes et écosystèmes mobiles créés par Apple, les fonctions d'Internet, d'échange de messages et de vidéo ont été transférées du PC au terminal mobile, rendant beaucoup plus faciles les échanges d'informations. Tant que le coût nécessaire à la réalisation d'un tel changement n'est pas supérieur au pouvoir d'achat du consommateur cible (en contrôlant les coûts de développement d'iOS et d'écrans tactiles par exemple), Apple porte une nouvelle valeur commerciale.
D'autre part, à travers ses investissements continus dans la recherche et le développement ainsi que l'amélioration de l'expérience client, Apple devient plus apte à créer la nouvelle demande. Dans son histoire, iOS et l'architecture de la carte à puce ont été améliorés à maintes reprises. L'iPhone a créé une nouvelle demande énorme chez les consommateurs au moyen du marketing et de l'optimisation continus des produits.
En outre, en créant des synergies entre ses industries en amont et en aval, Apple a fait naître de nouveaux marchés. La mise en place des plateformes diversifiées lui a permis de réaliser une intégration profonde entre ses produits. Par exemple, on peut lire un SMS reçu sur l'iPhone depuis son iPad ou son Mac. Les mémos, les contacts, les photos et les applications peuvent tous être synchronisés.
De surcroît, l'amélioration de l'offre pour satisfaire la demande grâce aux effets multiplicateurs est un moyen important pour stimuler la croissance économique. Les revenus des ventes des produits Apple et des produits dérivés sont convertis en bénéfices, dividendes, salaires, intérêts, loyers immobiliers et fonciers avant d'entrer de nouveau dans le cycle économique américain. Le macrocycle lié à la création de la demande par l'offre est ainsi accéléré, sortant les États-Unis de la récession.
Enfin, on constate un exemple passant de la fixation du prix initial à la création d'un vaste marché. Le téléphone mobile d'Apple a été conçu à l'origine pour des segments de marché et une clientèle spécifiques. Le prix initial était élevé et l'entreprise a gagné un gros bénéfice grâce à la rareté de son produit. Les gains ainsi obtenus ont servi de fonds suffisants à son expansion: la diversification continue des produits via le marketing et les progrès technologiques, l'extension incessante du marché cible et la multiplication du nombre de consommateurs ordinaires.